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C’est moi qui ai un problème, ou quoi ?
C’est moi qui ai un problème, ou quoi ?

C’est moi qui ai un problème, ou quoi ?

C’est moi qui ai un problème, ou quoi ?

On pense facilement au coaching comme un livre de recettes magiques qui vous propulseraient dans un monde où vos rêves sont réalisés. Et on ne va pas se mentir, il est beaucoup vendu comme ça.

Mais c’est très dommageable, car cela entretient la culture et la société dans une croyance en un miroir aux alouettes où on peut toujours faire quelque chose. Or, c’est faux. Il y a beaucoup de situations épineuses, absurdes ou terribles qui ne sont absolument pas de votre faute, et qui ne sont améliorables ni par vous, ni par une action au sens incarné, externe, tangible du terme.

D’ailleurs, faire comme s’il existait une solution magique « évidente » qui vous aurait échappé (parce que vous êtes probablement un peu neuneu ou ne réfléchissez pas comme il faut) est souvent le discours de ceux et celles qui font l’autruche ou qui ne voient même pas le problème. On se rappelle une certaine ministre, répondant aux éboueurs parisiens qui expliquaient que leur métier était pénible, qu’ils n’avaient qu’à passer un diplôme et aller faire autre chose.

Cette ministre ne se pose visiblement la la question « mais alors, les personnes qui gèrent nos poubelles sont condamnées à avoir un métier pénible ? » Parce qu’elles font ce métier, elles doivent tout bonnement dire « amen » au mal de dos et autres maux physiques et se contenter de prendre leur retraite en même temps que des cadres qui travaillent dans des bureaux ?

Quand on vous fait croire qu’il y a des solutions miracles à tout, on s’appuie sur la tendance humaine (malheureusement plus encouragée chez les femmes que les hommes) à penser que le problème vient de nous.

J’ai une amie bijoutière, diplômée d’une excellente école, qui travaille actuellement dans un atelier de sous-traitance pour de grandes marques de joaillerie. Épuisée, elle n’a souvent aucune énergie en rentrant chez elle, ne fait que dormir, a mal au dos. Ce matin, elle demandait, avec la plus grande humilité du monde, prête à se remettre en question « est-ce que c’est normal que je sois aussi épuisée ? Je suis la seule de mon atelier dans ce cas, et pourtant j’ai un contrat de 35h là où les autres font 39. »

C’est cette même amie qui, il y a plusieurs mois, expliquait travailler dans un local sans fenêtres, sur des pièces de série qui exigent des gestes répétitifs très nocifs au niveau du dos, avec aucune liberté ni créativité dans ses tâches, et être payée au SMIC », donc au minimum légal.

Je suppose qu’à ce stade, vous comprenez où est le problème ?

A mon sens, sa réaction est le témoin retentissant qu’elle est la seule personne saine d’esprit dans son atelier, et qu’elle très au clair avec le concept d’un travail toxique. C’est un CDD, et elle attend sa fin avec impatience. Mais dans l’état actuel des choses, et comme il faut payer son loyer et qu’elle n’a pas la santé ou l’énergie de faire une recherche de travail et un déménagement maintenant (c’est tout juste si elle arrive à faire son ménage), la solution « moins pire » est de tenir bon, et d’attendre.

La question « est-ce qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez moi ? » est souvent l’arbre qui cache la forêt d’un système destructeur qui prétend que le problème vient des gens.

« Le principe du petit pingouin », un court (mais efficace !) livre de Denis Doucet utilise la métaphore d’un clou planté dans notre pied, à propos duquel la société ne nous propose que de mettre des chaussures qui appuient moins sur le clou : on nous vend des compléments alimentaires, des séances de thérapie, des loisirs pour « oublier » que l’on souffre. Mais surtout, surtout, on ne vous propose pas de poser la question « comment ce clou est-il arrivé dans mon pied ? »

J’ai développé un exemple dans le monde du travail, mais on peut multiplier à l’infini les où le fauteur de trouble, quel qu’il soit, rejette la faute sur vous et utilise cette noble capacité que vous avez à vous remettre en question pour vous faire porter le chapeau.

Combien de petits-amis, compagnons et maris ont dit à leur compagne « Tu es trop sensible, tu prends les choses trop à coeur » au lieu de balayer devant leur porte et de se demander honnêtement s’ils savent communiquer, s’ils ne sont pas égoïstes, et s’ils ont la moindre idée de ce qu’est traiter quelqu’un correctement ?

Combien de parents exténués se sont taxés de faiblesse parce qu’ils n’arrivaient pas à enquiller 39h de travail, le soin aux enfants, passer du temps de qualité avec eux, nettoyer la maison, faire les courses, et bien entendu, rester minces et bien coiffés ?

Combien de fois quelqu’un d’odieux ou de maltraitant vous a dit, quand vous vous êtes énervé.e ou quand vous avez annoncé votre intention de mettre fin à la relation « tu devrais essayer de te détendre ? »

À l’époque qui glorifie le plus les individus, et pour qui tout le monde est « unique » ou « génial », nous avons une estime de nous au raz des pâquerettes. Au point que nous sommes capables d’endosser avec un sentiment de culpabilité ou de responsabilité, la mauvaise humeur, les procédés malhonnêtes, l’absurdité ou tout simplement la stupidité d’autrui.

Parfois, la seule chose à « faire » c’est de trouver quelqu’un qui vous dira « non tu n’est pas folle/fou et si tu as mal, c’est parce qu’il y a un clou bien réel planté dans ton pied. Tu auras toujours mal tant qu’il sera là, mais on peut commencer de regarder comment l’enlever. »